LA LÉGITIMITÉ D’UN SPORTIF DE HAUT NIVEAU EN ENTREPRISE


Face à des difficultés et pour remonter le moral des troupes, nombre d’entreprises font appel à des intervenants sportifs au sein de leur société. Les dirigeants voient en cet orateur, véritable héros moderne parfois honoré des plus hautes distinctions républicaines, un « Messie », celui qui sera capable de transmettre aux équipes et aux collaborateurs, la flamme qui s’est éteinte au fil du temps ainsi que de nombreux conseils « Managériaux ». Depuis 1998, un titre de Champion du monde acquis au Stade de France par l’Equipe de France de Football et disséqué par les yeux de Stéphane Meunier (1), les intervenants sportifs ont le vent en poupe. Les dirigeants ont envie d’entendre des prises de paroles « sportives » résonner ailleurs qu’à Clairefontaine ou dans les vestiaires de Marcoussis. L’aura et le leadership que dégage des sélectionneurs d’équipe de France comme Aimé Jacquet ou Bernard Laporte n’ont pas leur pareil lorsqu’il s’agit de montrer des exemples de réussite … et d’échecs également … à des collaborateurs. Pour ces derniers, être en contact direct avec un ou une de leur idole est susceptible de décupler leur attention et leur capacité d’écoute. Quel plaisir de pouvoir côtoyer une personne qui a mené des hommes au succès !

 


UNE INTERVENTION POUR LES MANAGERS, PAS FORCEMENT POUR L’ENSEMBLE DES COLLABORATEURS


Les discours d’intervenants  sportifs comme Edgard Grospiron, Stéphane Diagana, Daniel Herrero ont d’autant d’impact qu’ils sonnent à l’oreille des managers et prennent le statut d’un véritable outil de management. Les orateurs sont d’ailleurs souvent choisis pour leur côté charismatique et parce qu’ils savent jouer de cet aspect managérial. Decathlon a ainsi fait intervenir Daniel Constantini auprès de ses managers sur le thème « Gestion des ressources humaines à des fins de performance ». Son homologue Claude Onesta a, quant à lui, parlé de « l’esprit de conquête » auprès des collaborateurs d’EDF. Les managers Europe de la Société Générale ont pu boire quant à eux les paroles en version originale de Sir Clive Howard, ancien sélectionneur du XV de la Rose, sur le thème : « Leading a high-performing and responsible team ». Les exemples sont devenus pléthores ; les grands-messes ont été complétées ou remplacées par des discours inspirés qui collent aux valeurs et à la vision des entreprises (2). Certaines questions peuvent néanmoins se poser => Il semblerait que le profil des intervenants soit assez simple à dessiner, tant ils se ressemblent. Pourquoi y a-t-il si peu de femmes (Au-delà, par exemple de la skieuse, Florence Masnada, ou de Laura Flessel, escrimeuse — Et depuis peu de Sarah Daninthe ou Sarah Ourahmoune), de personnes venues de la diversité ou du monde du handicap (Comme Ryadh Sallem ou encore Michael Jeremiasz) ? Pourquoi ne pas s’appuyer sur le parcours de sportifs moins connus médiatiquement ; « profils » qui ressembleraient davantage aux « profils » des collaborateurs et non uniquement aux « profils » des managers ?
Effectivement, souvent l’intervenant répond à un besoin managérial : admettons ! Mais pourquoi ne serait-ce pas aux collaborateurs de choisir l’intervenant ? Cela pourrait alors être l’occasion pour eux de réfléchir à leurs besoins et à leurs motivations dans l’entreprise, à la personne digne d’y répondre, et à l’exemple à promouvoir dans « son » entreprise. On pourrait facilement rétorquer qu’une personne lambda pourrait ne pas être préparée pour parler devant un public, qu’elle n’est pas un vrai orateur, comme le sont les intervenants habituels. Mais ne serait-ce pas l’occasion d’impliquer toutes les parties dans la préparation d’un discours qui profiterait à tous ? … d’autant plus avec la présence de plus en plus nombreuses de collaborateurs à des événements sportifs financés et mis en avant par l’entreprise.

 


L’INTERVENANT SPORTIF INTERVIENT-IL DANS UN PROJET SUR LE LONG-TERME OU SEULEMENT EN ONE-SHOT ?


Bien sûr, les routards des planches de l’entreprise ont pour eux l’avantage d’avoir de forts atouts : l’expérience, l’art oratoire, un discours rodé, une renommée, un charisme voire un certain ego. Tout ce qui fait une prestation de qualité. Les dirigeants ne peuvent être que satisfaits de l’intervention … notamment parce que le prix n’est pas donné. Retrouvez le dossier sur « Les sportifs … et séminaristes » de janvier 2013.

intervenant sportif

Cependant comment mesurer les bienfaits de ces interventions ? Les expériences d’un sportif à un manager sont-elles transférables aussi simplement que par l’écoute d’un discours ? Le côté « Veni Vidi Vici » (3) de certaines interventions peuvent laisser sceptique quant à l’intégration du message par les collaborateurs … même si elles marquent les esprits. Les exemples mis en avant sont-ils réellement transposables à l’entreprise ? Dans un certain sens oui. Si l’intervention est intégrée à un programme de formation plus global d’un manager ou d’une équipe de direction, elle aura d’autant plus de sens. D’ailleurs, les sportifs l’ont bien compris puisqu’ils intègrent de plus en plus ces formations spécialisées à destination des futurs leaders d’équipe.

 


C’EST EN FAISANT DU SPORT QUE L’ON DEVIENT SPORTIF


Et le collaborateur dans tout ça ? Comment pourrait-il transmettre son expérience « Sport & Entreprise » ? Nous disions plus haut qu’il pourrait participer au choix de l’intervenant. Mais ne pourrait-il pas être lui-même l’intervenant ? Ne pourrait-on pas considérer que chacun, dans l’entreprise, a une histoire, sportive ou non, digne d’être transmise. Comment remotiver une personne, si ce n’est en l’impliquant dans un projet et qu’elle puisse en faire état à ses pairs ? En considérant les collaborateurs comme des sportifs de « haut niveau », ils sont ainsi valorisés et deviennent « Collabor’Acteurs ». Ces « sportifs » qui ne s’exposent pas forcément, par pudeur, par timidité ou parce qu’ils ne sont tout simplement pas sollicités, forment la richesse même de l’entreprise. Il serait peut-être temps de capitaliser aussi sur eux, sur leur engagement, leur histoire. Cela incitera plus facilement les autres « collègues » à entrer en action. Car, au-delà des prises de paroles, si convaincantes soient-elles, n’oublions pas que l’important est la mise en mouvement. Il suffit d’un exemple pour déclencher la mécanique attendue par la direction et celui-ci est souvent beaucoup plus proche de nous qu’on ne le pense !

A vous de jouer Collabor’Acteurs …

 


REFERENCES
1. Stéphane Meunier a réalisé le documentaire Les Yeux dans les Bleus, et qui retrace le parcours des Tricolores durant la Coupe du monde de football en 1998.
2. http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/seminaires-dentreprise-le-choix-du-speaker-23006/
3. Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu : phrase prononcée par Jules César.