Embarquer la direction et les collaborateurs durablement dans une « culture du changement » (1/3)
Découvrez le 1er article de la série « Embarquer la direction et les collaborateurs durablement dans une culture du changement ».
I. De nouveaux modèles et paradigmes
Nous vivons une époque de questionnement et d’évolution constante, et cela à tous les niveaux de la société. Ainsi, la question de la préservation de l’environnement n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui, nous voyons apparaître de plus en plus de mouvements de revendication sociale, de nouveaux modèles économiques émergent de part et d’autre du globe. L’émergence croissante de l’économie collaborative, l’application de plus en plus fréquente de normes environnementales dans l’industrie, les différentes luttes pour l’égalité et la tolérance entre les individus… Tous ces exemples montrent à quel point le monde est touché par le changement.
1.1 Placé face à ses propres limites, le monde évolue
Même si tous ces différents souffles de changement relèvent a priori d’enjeux distincts, ils sont intimement liés et illustrent le besoin d’évolution que le monde exprime aujourd’hui : trouver de nouveaux modèles sociaux et économiques pour bâtir un avenir plus durable.
Dans ce contexte, le monde de l’entreprise est lui aussi embarqué dans cette dynamique de changement. Pascal Jouxtel, expert dans l’évolution des modèles organisationnels, explique ainsi qu’un sentiment de mécontentement se faire globalement ressentir aujourd’hui. On voit notamment chez les salariés des générations les plus anciennes une perte croissante de compétences, mais aussi plus globalement une perte de sens dans le travail de la part des collaborateurs face à des modèles qui pourraient mieux faire pour leur épanouissement professionnel.
Les pathologies psychologiques liées au travail sont notamment un problème auxquelles sont confrontées de nombreuses entreprises : burnout, boreout et même plus récemment le brownout, qui consiste en la perte de repère face au travail et aux tâches réalisées par le collaborateur. Nous pouvons aussi ici rappeler les chiffres de l’étude Gallup de 2013 qui concluait que 89% des salariés en France ne sont pas engagés dans leur travail.
1.2 Les mentalités changent petit à petit et les solutions commencent à émerger pour façonner un monde « nouveau »
Changer implique une forme de renonciation vis-à-vis du passé, ce qui peut tout naturellement en bloquer plus d’un. Cependant, nous oublions souvent que le changement est aussi synonyme d’opportunités comme de progrès. Les limites auxquelles nous sommes exposés aujourd’hui nous forcent d’une manière certaine à prendre conscience des problèmes et chercher des solutions de façon plus active. Par exemple, d’après l’ONU, la population mondiale devrait atteindre 9,8 milliards d’individus d’ici 2050, ce qui implique le besoin d’une meilleure gestion des ressources et des hommes, motivant un nombre incalculable de projets économiques, sociaux et environnementaux à travers le monde.
Dans ce contexte, Pascal Jouxtel explique que le sentiment d’épuisement qui se fait aujourd’hui ressentir force les nouvelles générations à réinventer le monde de l’entreprise. La tranche des 25-30 ans est ainsi vue comme celle qui est en train de façonner les nouveaux modèles qui dirigeront l’économie de demain. Cependant, les salariés de générations antérieures ont aussi leur rôle à jouer, notamment en apportant leur témoignage et leur expérience au sein du système pour mieux cibler ce qui est à changer et aussi à conserver. Car si le changement implique la renonciation, il n’implique pas non plus de faire table rase du passé pour tout reconstruire ! Cette question est donc profondément générationnelle : nous constatons une certaine distribution des rôles selon les âges, tout comme un besoin essentiel de coopération entre salariés de générations différentes.
L’engagement associatif (MOM21, la Fabrique Spinoza…) est par exemple une façon intéressante d’apporter son expertise au service du changement.
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1.3 L’entreprise se réinvente elle aussi
Comme nous l’avons observé précédemment, le monde de l’entreprise n’échappe pas à cette dynamique de changement au sein de nos sociétés. De nouveaux modèles d’organisation font en effet leur apparition. Une des principales tendances actuelles en termes d’innovation managériale est celle de l’entreprise libérée. Celle-ci se base avant tout sur un renversement de la structure hiérarchique au sein de l’organisation : les salariés sont libres de prendre leurs propres décisions s’ils les jugent cohérentes sans contrôle ni accord préalable de la part d’un manager. Il s’agit entre autres de mettre en relation beaucoup directe l’individu qui créé le service ou le bien, et le client à qui il est destiné. C’est finalement celui qui est le plus à même de prendre la décision par rapport à une tâche donnée à qui nous confions la responsabilité. Dans ce modèle qui essaie de réduire les intermédiaires dans les rapports professionnels, les salariés travaillent davantage en synergie autour d’un projet motivant où la responsabilité est partagée. De plus, un client satisfait ou mécontent du service qui lui a été fournis peut ici plus directement le faire savoir à la personne concernée. L’information, qui circule sans ou avec peu d’intermédiaires, a moins de chances d’être dénaturée.
On peut aussi citer d’autres modèles innovants comme les coopératives de salariés ou bien même les réseaux de freelance qui eux commencent déjà à avoir du succès (beaucoup plus flexibles, ils permettent aux individus de plus facilement vendre leurs compétences pour lesquelles ils sont reconnus). Le modèle de l’entreprise apprenante a aussi beaucoup d’aspects intéressants pour l’avenir. Dans une telle entreprise, nous accordons beaucoup plus de place au savoir-être des collaborateurs, ce qui vient changer la structure de pouvoir : face à un monde qui évolue rapidement, nous sommes constamment à l’écoute, nous observons les bonnes pratiques et on fait évoluer celles qui ne sont plus cohérentes par rapport à l’environnement social et économique dans lequel l’entreprise évolue. Nous passons alors d’une rationalité linéaire à une rationalité plus systémique : de nouvelles dimensions apparaissent, par exemple l’affectif, dans la prise de décision et la gestion des parties prenantes.
Ce que tous ces modèles ont en commun, c’est une forme de renouveau du leadership et la prise de conscience du fait que si une entreprise est en bonne santé, cela ne se résume pas au simple aspect économique mais inclut aussi la « bonne santé » des collaborateurs. Par exemple, avoir des employés engagés peut permettre d’augmenter de 50% la fidélité des clients. Bien sûr, cette nouvelle vision de l’entreprise s’accompagne de défis à relever, il ne serait pas réaliste de mettre ces modèles en place du jour au lendemain.
D’autres aspects sont en effet à prendre en compte, à commencer par la taille des organisations. La plupart des entreprises de type libérées qui existent aujourd’hui sont généralement des PME, car un tel modèle devient difficile à appliquer à des structures de plusieurs milliers de salariés. Google a par exemple tenté de mettre en place une organisation plus libérée de ses effectifs, mais a dû faire marche arrière au bout de 6 semaines (Source : Artkeos). Pour remédier à cela, nous pouvons par exemple imaginer un redécoupage des plus grandes entreprises en plus petites structures travaillant ensemble pour répondre à des besoins plus localisés géographiquement. Pascal Jouxtel dit d’ailleurs à ce propos : « L’innovation managériale se trouve principalement dans les petites structures ».
Nous constatons déjà la formation d’écosystèmes de coopérations entre des grands groupes et de plus petites entreprises, dont beaucoup de startup. Ex : Sanofi a constaté que la majorité de l’innovation pharmaceutique se faisait dans des structures de moins de 30 personnes.
A ces nouveaux modèles s’accompagnent des nouveaux métiers, qui sont pressentis pour envahir le marché du travail dans les décennies à venir. La prolifération des Chief Happiness Officer et des responsables RSE montre d’une manière la diversification des préoccupations au sein des entreprises, où l’on voit au-delà de la simple dimension économique ;