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Alexandre Jost – « C’est notre devoir d’être optimiste »

Alexandre Jost
Dans quelques jours aura lieu 
l’Université du Bonheur Au Travail (UBAT) – le 29-30-31 octobre 2015, organisée par le think-tank politique, La Fabrique Spinoza. L’occasion pour We Sport You (*) de donner la parole à son créateur, Alexandre Jost, premier ambassadeur du bonheur. 

Alexandre, vous définissez le bonheur comme un « vecteur de transformation joyeux de la société » : en cette période de crise, en quoi le bonheur ou l’optimisme sont-ils les meilleures réponses ?
C’est justement parce que les temps sont difficiles que c’est notre devoir d’être optimistes. Est-ce que les gens avaient besoin d’être optimistes pendant les 30 Glorieuses ? Non, être optimiste, c’est naturel.
Je suis persuadé qu’il est plus bénéfique de s’interroger sur où on veut aller que sur les causes d’un mal. Cette idée est défendue par un courant américain de David Cooperrider, « Appreciative inquiry » qui dit qu’il vaut mieux identifier ses forces et un cap plutôt que répondre aux choses qui ne vont pas. Le bonheur citoyen nous redonne de l’énergie et un sens collectif. Le bonheur a une valeur finale comme endroit vers lequel on veut aller mais également une valeur instrumentale comme permettant quelque chose.

 

Quels sont les piliers du bonheur en entreprise ? Quels sont les indicateurs du bonheur au travail ? 
Il y a une grille d’analyses que l’on a définie : « Les 12 leviers du bonheur au travail ». Il y en a trois grands types : le cadre de travail, le travail en lui-même et les valeurs et les hommes. Dans chacun de ses grands domaines, il y a des critères plus précis. Avoir de la convivialité et une certaine qualité de relation avec des collègues et ses employeurs c’est important, le travail ne peut pas être occulté, il doit avoir un sens et enfin le cadre, ce sont les conditions au sens matériel et immatériel. 

 

On a longtemps cru que la performance de l’entreprise amène le bien-être ; vous pensez  l’inverse ?
Nous pensons qu’il y a un lien de causalité dans les deux sens. La chercheuse Ilona Boniwell dit que le succès (le sentiment d’avancer, la conquête) génère du bien-être chez les gens, c’est certain, mais que le lien de causalité est beaucoup plus important du bien-être vers la performance. C’est mathématique : il y a beaucoup de déterminants dans le travail et le succès n’en est qu’un alors que quand on se sent bien dans son travail, c’est l’intégralité de l’être humain qui fonctionne mieux et il y a donc une performance optimale.

 

Quelle différence faîtes-vous entre le bonheur et le bien-être ? Ces deux notions sont-elles intimement liées ?
Les scientifiques confondent les deux ; ils parlent tour à tour de « Happiness » puis « well-being » ; dans l’esprit des gens, c’est confus également car ils attribuent des critères à l’un des termes ou à l’autre ; on associe souvent le bien-être à quelque chose de matériel, par exemple un message, alors que le bonheur est plus global. Nous avons changé notre fusil d’épaule et décidé de parler de bonheur au travail car nous visons l’épanouissement complet de l’individu. Le bonheur définit ainsi peut être inquiétant dans le sens où nous mettons la barre très haut mais le bonheur au travail n’est pas un objectif pour nous, c’est un endroit vers lequel nous voulons aller.

 

Quels sont les conseils que vous donneriez pour devenir ou être plus optimiste ?
Le meilleur professeur d’optimisme, c’est la vie. Il y a un exercice simple à faire que donne Christophe André : vous tracez une ligne et placez-y au-dessus toutes les meilleures choses qui vous sont arrivées et en-dessous toutes les pires choses. En faisant cet exercice, on s’aperçoit que l’on vit plus de joies et de belles choses que de catastrophes. Cela fait écho à cette citation de Marc Twain : « J’ai eu beaucoup de soucis dans ma vie dont très peu sont finalement advenus ».

 

Vous vous définissez comme des « passeurs de bonheur » : est-ce si simple de passer le bonheur ? Quelles sont justement les difficultés rencontrées ?
Nous sommes plus des ambassadeurs du bonheur citoyen et des acteurs de la transformation que des passeurs de bonheur. Il peut y avoir des freins et des chaînes qui nous empêchent de parler du bonheur au travail. Nous avons, par ce statut, casser ces chaînes. Et en tant qu’acteurs de cette transformation, nous sommes outillés, nous avons acquis des techniques, des compétences sur ce qu’est la mesure du bonheur au travail ; sur notre capacité à  désigner un baromètre et à mettre en œuvre des stratégies.

 

C’est aussi mettre la science au service des émotions : telle pourrait être la signature de la Fabrique Spinoza ? 
Ce serait plutôt mettre la science et le débat citoyen au service du Bonheur ! Nous cherchons à nous appuyer sur des recherches robustes mais elles sont débattues par les gens pour éviter qu’elles ne soient dogmatiques.

 

« La Fabrique Spinoza » réfléchit également sur le bonheur à l’Ecole : est-ce que les études qui touchent à l’Ecole sont inquiétantes ? N’est-ce pas dès le plus jeune âge que l’optimisme devrait être développé ?  
Ce qui est inquiétant à l’école, c’est que nous sommes un des pays de l’OCDE où les élèves ont le moins le sentiment que les enseignants se préoccupent d’eux et se soucient de leur bien-être. Nous sommes aussi l’avant-dernier ou le dernier pays de l’OCDE dans lequel les élèves ont envie d’aller au collège. Il faut transmettre cet optimisme dès le plus jeune âge : nous mettons en place en ce moment un baromètre du bien-être à l’école, (et non du bonheur car c’est l’Éducation Nationale qui veut que nous utilisions ce terme là) ; un outil qui peut être utilisé tôt dans le parcours scolaire. Nous espérons pouvoir équiper les enseignants pour trouver des chemins d’amélioration.

 

Depuis l’instauration de la « Fabrique Spinoza », avez-vous senti une évolution dans les pratiques managériales ? 
Il y a de plus en plus de managers qui s’autorisent à parler de ce sujet là. Le concept même de manager évolue avec les termes de « manager serviteur », « manager empathique », « manager coach », « manager facilitateur », « manager spirituel » et cela montre que les managers s’interrogent sur la façon de se mettre au service de ses équipes, en terme de compétence et de relationnel. Les équipes du manager doivent devenir ses clients. Cela rejoint l’esprit des entreprises libérées dans lesquelles des formes d’organisation avec plus d’autonomie voient le jour.

 

Le travail même dans les entreprises va évoluer avec la montée de l’auto-entreprenariat et du travail individuel. Est-ce que cette liberté est synonyme de bonheur ? 
Michel Crozier, fondateur de la sociologie des organisations, explique que l’objectif premier dans une organisation, c’est d’accroître son degré de liberté. Je pense qu’il y a une part de vrai ; c’est un chemin qui est délicat car il ouvre la porte à la précarité et surtout il prend le risque de couper les liens sociaux qui unissent les hommes. De la même manière, nous recommandons que le télétravail se limite à trois jours maximum. L’entrepreneur ou l’auto-entrepreneur peut se trouver très isolé.

 

Quelle place le sport occupe-t-il dans le bonheur ?
Le sport a trois rôles : le premier c’est qu’en tant qu’activité il permet aux individus de reprendre en compte leur corps et donc d’une certaine manière leurs émotions dans la vie en générale et dans leur travail. C’est indispensable car nous n’utilisons pas assez notre humanité. Deuxièmement, le sport étant perçu comme une émulation vis à vis de soi-même, il peut représenter cette formule de Spinoza : « Il faut rechercher le plus haut degré de perfection de soi-même ». Enfin, le troisième aspect qui est fondamental par rapport à ce que We Sport You promeut, c’est comment les modes d’organisation du sport peuvent apprendre des choses à l’entreprise et comment on peut installer des processus qui permettent aux collaborateurs de prendre soin d’eux, d’être bien et performants sur la durée.

 

L’université du bonheur au travail (UBAT) a lieu du 29 au 31 octobre : quelles en seront les grandes lignes, les grands moments ? Qu’attendez-vous d’un tel événement ?
L’UBAT est organisée sur trois jours en fonction des dimensions « Je, Tu et Nous ». Nous pensons que l’individu peut exprimer son plein potentiel, son talent, se connaître ; le tu c’est qu’il peut devenir un manager positif et tisser des relations heureuses avec les autres ; nous souhaitons lui faire découvrir d’autres modes d’organisation et de travail. Ces trois échelles seront expérientielles et doivent permettre aux individus de devenir des passeurs du bonheur au travail, énergisés et capables de partager leurs outils dans leur organisation. Nous sommes dans les temps et les inscriptions sont déjà complètes. Cela promet trois jours productifs, et de bonheur !

 

(*) We Sport You interviendra lors de l’UBAT sur la thématique « Le Sport comme un accélérateur de la transformation des Relations Humaines dans l’entreprise ».