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Collectif Performance et QVT – « Moins de paroles, passons aux actes »

Créé par des entreprises, le « Collectif Performance et Qualité de Vie au Travail » a pour but de convaincre le monde du travail que la Qualité de Vie au Travail (QVT) est un facteur de la performance économique. We Sport You a rencontré son Délégué Général, Sacha Génot, qui nous a parlé des réflexions engagées dans le Collectif. Ce dernier ambitionne de devenir un Mouvement apolitique capable de susciter et accompagner toutes les actions qui améliorent la qualité de vie au travail. Explications.

Sacha Genot

 


L’ENTREPRISE, PREMIÈRE CONCERNÉE PAR LA QVT…


A défaut de voir se développer rapidement le bien-être au travail, on assiste à l’apparition de plusieurs signaux d’alerte dans les entreprises. Les taux d’absentéisme restent inquiétants (*), tout comme celui du turnover, toujours élevés et coûteux pour les organisations. Ces dernières font face à différentes problématiques qu’elles doivent désormais prendre à bras le corps : prévenir et réduire les maladies liées au stress au travail, fidéliser leurs collaborateurs tout en gagnant en compétitivité dans un contexte fiscal parfois contraignant.Les entreprises doivent se réinventer et prendre en compte les attentes de leurs collaborateurs, qui passent avant tout, par un « sentiment » de bien-être. Sacha Génot, Délégué Général du « Collectif Performance et Qualité de Vie au Travail », reconnaît que « le sujet est d’actualité mais entre ce qui est affiché et la réalité, il y a encore deux univers différents. Certains dirigeants ont un discours sur la QVT mais leurs collaborateurs affirment qu’ils agissent différemment. La vraie difficulté est que cette politique ne se transfère ni par l’écrit, ni par les témoignages. Il s’agit d’un problème de comportements et changer le comportement des individus par rapport à leurs collaborateurs n’est pas si simple. Nous ne sommes pas dans le domaine du rationnel : nous sommes dans un domaine humaniste, complexe. »

 


LE BIEN-ÊTRE, UNE RÉELLE SOLUTION ?


Un salarié sera d’autant plus impliqué et productif pour l’entreprise qu’il sera motivé. Pour Philippe Gabillet, professeur à l’ESCP, les leviers de la motivation reposent ainsi sur les deux angles du bonheur : le bonheur hédoniste dans lequel on retrouve l’ambiance au travail et les à-côtés que peuvent apporter l’entreprise (Paye / chèque déjeuner / mutuelle / services…), et le bonheur eudémonique qui s’appuie sur le sens que le collaborateur donne à son travail et le sentiment intérieur d’accomplissement.Si l’entreprise peut agir sur le premier facteur, il est plus difficile de la tenir pour seule responsable sur le second. Ce dernier est ancré chez le collaborateur qui réalise ses missions, et relève de ses propres choix professionnels.Avec le bien-être au travail, on touche à la notion de management existentiel qui devrait être un sujet transversal du management et qui devient une responsabilité du DRH. C’est une position ambiguë puisqu’il doit prendre en compte les croyances, les émotions et ressentis des collaborateurs, et penser qu’ils entrent sur le même niveau que les compétences ou savoir-faire.

Ce que confirme Sacha Génot : « On peut mettre des choses en place pour éviter le stress au travail : cela contribue à l’amélioration du bien-être des collaborateurs mais dans les enquêtes menées auprès des collaborateurs, la reconnaissance de leur travail, le salaire et la confiance qu’on leur donne sont les principaux items évoqués. La vraie réponse de la QVT, c’est de recréer la motivation intrinsèque. Est-on heureux d’aller au travail ou non ?. »

Pourquoi ? « Si les gens se rendent compte à un moment donné que l’on ne prend pas en compte ni leur travail, ni ce qu’il pense, les idées qu’ils ont pour améliorer leur travail, tout ce qui constitue finalement les valeurs humaines, ils vont se replier sur eux-mêmes avec le risque d’adopter l’attitude du service minimum », prévient-il. Les entreprises ont donc tout intérêt à améliorer le dialogue entre toutes les parties, en écoutant leurs clients et en responsabilisant leurs collaborateurs.

La prise en compte du bien-être des collaborateurs pointe le bout de son nez. Euro Disneyland Paris a par exemple institué un « Conseil Municipal »,  constitué de collaborateurs bénévoles et qui doivent trouver des réponses aux problèmes récurrents qui se posent pour les 15 000 salariés du groupe.

A l’étranger également, le bien-être est devenu un élément important de communication. En Inde, le premier ministre a participé à la première journée du yoga destiné à promouvoir l’activité physique et à lutter contre l’embonpoint des fonctionnaires. Au Brésil, grâce à un code couleur, les salariés d’une usine Fiat peuvent indiquer leur humeur à chaque fois qu’ils prennent leur poste. Aux Etats-Unis, l’entreprise WL Gore propose à ses nouveaux collaborateurs de s’impliquer en choisissant des projets et surtout les équipes au sein desquelles ils voudraient travailler.

Les actions se multiplient donc pour répondre aux problèmes de santé repérées en entreprise. Prendre la mesure de ces risques signifie mettre en place des stratégies de long terme et d’accompagnement des salariés, à la fois sur l’organisation et le soutien direct apporté aux personnes en difficulté. Sacha Génot prend ainsi pour exemple « une DRH d’un établissement TOTAL à Metz qui a réussi à accompagner 398 des 400 collaborateurs qui étaient menacés, suite à un remplacement des techniques de fabrication. » Résultat : aucun jour de grève dans l’établissement pour les collaborateurs dont les envies d’évolution ont été prises en compte.

 


PAR QUOI PASSE LE BIEN-ÊTRE ?


Les initiatives proposées prennent des allures très variées et ont pour but d’améliorer la santé du collaborateur sous différentes formes. Cela peut passer par un mieux-être physique avec la facilité aux accès d’activités physiques (salle de sport, running, yoga, séances de massages) ; par un mieux-être mental (coaching, télétravail, journée sans mails « urgents », services de conciergerie) et un mieux-être social avec l’aménagement d’espaces de rencontres entre les collaborateurs qui permettent de créer des moments conviviaux : petits déjeuner, ateliers professionnels, créations de « Paris plage » dans l’entreprise.

Certaines entreprises qui ont commencé par aborder la question de la QVT en sont venues à proposer du sport parce que le sport permet d’améliorer ces trois dimensions du bien-être. « Elles sentaient bien que l’énorme changement qu’il y a depuis 50 ans, c’est qu’on travaillait plus auparavant mais paradoxalement on avait plus de temps pour s’occuper de ses passions, de ses hobbies. Désormais les gens n’ont plus le temps de se réunir entre eux. Les gens ne se parlent plus : ils sont sollicités par beaucoup de choses : il y a de moins en moins de relations humaines. Nous avons besoin de recréer du lien avec les gens », affirme Sacha Génot. 

Et ces connexions, ces échanges et moments conviviaux entre les collaborateurs peuvent amener de nouvelles formes d’organisation aux conséquences diverses. Pour partager un bon moment, les collaborateurs de la « Ruche qui dit Oui ! » agissent par exemple suivant le volontariat pour préparer à manger pour le reste de l’équipe lors de la pause déjeuner. Même direction pour les trublions de Michel et Augustin qui s’activent derrière le plan de travail pour préparer des goûters. L’entreprise Poult, de son côté, a vu sa hiérarchie disparaître au profit du libre-arbitre de collaborateurs consciencieux. Dans un état proche du dépôt de bilan, elle réalise désormais une croissance à deux chiffres.

 


DE PETITES ATTENTIONS QUI FONT LA DIFFÉRENCE


Ces initiatives rééquilibrent les vies professionnelle et personnelle. Tenir compte de cet équilibre passe donc par de multiples services que l’entreprise peut rendre à ses collaborateurs. Des services liés à la vie quotidienne comme le pressing, la livraison de courses, les démarches administratives ; ceux liés aux enfants comme le soutien scolaire ou la crèche d’entreprise ; ceux en lien avec les loisirs – réservations de spectacles, de voyages… -. Les organisations se surpassent pour réattribuer le temps pris par certains moments de la vie quotidienne à la vie de l’entreprise. A l’image de l’Assemblée Nationale qui regroupe certains services, des entreprises en accueillent sur leur site.

Le sport est ainsi en passe de passer d’un simple hobby d’employé, à une activité fédératrice partagée entre collaborateurs. Sa place au sein de la QVT est essentielle pour Sacha Génot, même si elle doit encore s’agrandir : « C’est un signal que les autres perçoivent, qui les rassure et les conforte sur l’esprit de la société. C’est un parallèle que l’on peut faire avec le télétravail : dans les sociétés dans lesquelles on le propose, seule une minorité l’utilise mais la majorité pense qu’un jour il sera intéressant de le faire ».

De plus, au-delà des similitudes qui existent entre la fonction managériale et le sport, ce dernier cultive un aspect essentiel. Le dirigeant du Collectif Performance & QVT prévient : « Nous sommes dans un monde tertiaire mais ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend d’ici cinq ans. Le sport sera déterminant pour toutes les personnes qui ont des troubles musculo-squelettiques. Une entreprise qui facilitera cette pratique, de quelque manière qu’il soit, aura forcément une valeur ajoutée ». On voit déjà ainsi des entreprises proposer des échauffements musculaires pour prévenir ces problèmes de santé.

 


TOUS RESPONSABLES ?


Des syndicats à l’image du CFE CGC prennent la question à bras le corps. « La QVT est un moteur de compétitivité », souligne sa présidente. Carole Couvert en a d’ailleurs fait l’un de ses chevaux de bataille : « Le capital humain doit être valorisé ; le collaborateur se sentira bien dans son activité s’il intègre son travail dans la réussite de son entreprise, s’il connaît et est impliqué dans la stratégie de l’entreprise. »

L’entreprise doit-elle endosser toutes les responsabilités : est-ce à elle de proposer une meilleure qualité de vie ou l’Etat a-t-il également un rôle à jouer sur cette question ? « Le pouvoir politique doit juste s’efforcer de montrer l’exemple », souligne Sacha Génot. Le président du Collectif est heureux de voir que désormais certaines collectivités publiques le démarchent alors que son mouvement n’était pas positionné sur ce marché. Plus récemment, l’organisation a œuvré pour que le gouvernement fasse de la QVT une cause nationale. « Cela aidera notre communication mais nous savons qu’en France la résistance au changement est très ancrée », regrette-t-il.

Un changement qui passera par le dialogue « entre toutes les parties, la direction, les collaborateurs et le client ». Le PDG de Decathlon l’a bien compris en faisant de ses chefs de rayon la colonne vertébrale de son institution : « S’il est heureux, le client sera heureux également ! » Un exemple à suivre assurément pour toutes les entreprises désireuses d’allier performances économiques et bien-être du collaborateur.

Références
(*) Le nombre de jours d’absence des salariés du secteur privé s’élève à 16,7 jours par salarié en 2014, soit un taux d’absentéisme national à 4,59%, en augmentation de 2,81% par rapport à 2013. Le coût direct de l’absence s’élèverait, pour les entreprises françaises, à 45 milliards d’euros… 

Cf. les résultats d’Alma Consulting dans le cadre de son 7ème baromètre de l’absentéisme réalisé avec le Cabinet Goodwill-management.