L’objectif de cet article est de montrer comment construire une équipe autonome, apprenante et fonctionnelle dans un environnement de confiance. En intégrant de nouveaux outils comme « le CV citoyen », nous avançons une vision décalée du recrutement et de la gestion des équipes. Elle peut vous permettre de transformer une somme de performances individuelles en performance collective plus efficace.
 


« La différence est une force ». Cette phrase, inscrite sur la bôme du Volvo Ocean, le bateau extrême de Team Jolokia(1), résume le message que son fondateur, Pierre Meisel, veut faire passer aux organisations professionnelles. Team Jolokia est une   association reconnue d’intérêt général qui veut prouver par l’expérimentation, à la manière d’un laboratoire scientifique, que la diversité est source de richesse collective dans les entreprises. L’expérience est la suivante : tous les ans, l’association recrute des personnes de tous âges issues de milieux sociaux, professionnels et géographiques différents et les réunies sur un même bateau pour des entraînements et des régates exigeantes.

Il y a deux objectifs. Dans un premier temps, former les apprentis marins à se connaître personnellement et collectivement. Dans un second temps, créer un esprit de groupe qui leur permettra de mieux vivre et « gagner » ensemble (1).

Dans le contexte économique actuel, les organisations tendent à devenir plus humaines. Leur mode de travail évolue au service de la performance collective : l’accent est mis sur le collaboratif. Il s’agit d’unir les forces des salariés et directeurs pour être plus performant que le concurrent. Ce qui fait que la gestion des équipes est devenue au moins tout aussi importante que celle des individusdans les entreprises. Elles rêvent de créer des collectifs autonomes où s’installe une émulation entre des collaborateurs qui transmettent leurs savoirs, se font confiance et montent en compétences ensemble. Comment adapter sa stratégie de recrutement pour correspondre à ce nouveau paradigme ? Doit-on recruter le meilleur ou une personne autodidacte qui va progresser petit à petit ? Tout comme Team Jolokia, les entreprises ont tout intérêt à avoir une approche collective des ressources humaines et à favoriser la diversité. Mais ce n’est pas chose aisée de faire accepter à chaque collaborateur la différence…comme une force ! Cela prend du temps et peut engendrer du stress pour l’ensemble des parties prenantes !

Nous vous proposons de voir étapes par étapes ce qu’entraine ce changement de mode de recrutement.

 


SE CONNAITRE


Souvent un candidat débarque dans un collectif déjà existant… mais ne réussit pas forcément à s’y intégrer… et ne l’est pas pour autant ! Le choix fait par le recruteur (DG, RH, manager…) doit être cohérent avec la vision de l’entreprise, son identité, ses valeurs, ses codes et surtout avec les profils de ses collaborateurs. C’est pour cela qu’avant de prendre une décision en matière de recrutement, il faut d’abord avoir une pleine connaissance des forces en présence. La question des relations entre les Ressources Humaines et les Opérationnels (managers, salariés) présents sur le terrain, se pose alors dans le processus d’embauche. Comment être à jour des besoins ? Comment comprendre les clés de performance d’une équipe d’opérationnels dont on ne fait pas parti ? Dans tous les cas, la première étape est d’établir une bonne communication entre services et de faire ainsi un diagnostic interne, au préalable, pour recruter des candidats qui correspondent à l’organisation et aux équipes.

 

 


DÉTECTER SES NOUVEAUX TALENTS


Arrive ensuite le choix du candidat. Les diplômes (grandes écoles, master, DUT…), les récompenses (médailles du travail, médailles olympiques…) et les tests de compétences (TOEIC, GMAT…) sont des garantis de sécurité indéniables pour l’employeur. Cela dit, ils oublient une fraction essentielle de la valeur d’une personne. En effet, le savoir-être (2) est au moins aussi important que le savoir ou le savoir-faire en entreprise. L’enjeu est double : pour le candidat, il s’agit d’aller chercher dans sesexpériences extra-professionnelles des qualités qu’il pourra réutiliser au travail ; pour le recruteur, il est amené à parier sur des compétences qui n’ont pas été objectivement certifiés. Mais ces efforts (parfois risqués) sont pour nous nécessaires. Nous encourageons les entreprises à prendre en compte le « CV citoyen » dans leur recrutement et les établissements d’enseignement à apprendre aux étudiants comment rédiger le leur ! Ce CV ne met pas seulement en avant des compétences transposables dans la vie professionnelle, il remet de l’« humain » dans le recrutement (3). En plaçant au même niveau les expériences extra-professionnelles et les expériences professionnelles, il rend une candidature plus personnelle et motivante. A partir de là, l’employeur aura un indice sur les qualités relationnelles et les engagements d’un candidat … ce que le CV traditionnel ne relate que brièvement. L’entretien permettra ensuite de tester ses compétences et de s’assurer qu’il pourra travailler au sein de l’équipe déjà en place. En outre, se focaliser sur son « CV citoyen » et ses qualités interpersonnelles, permet de savoir s’il va apporter une diversité bénéfique aux performances du groupe. Recruter un collectif est souvent difficile dans la mesure où les équipes sont déjà en partie formées, mais détecter le collaborateur qui saura s’y insérer est crucial.

 

 


GÉRER SON ÉQUIPE


L’ « après-embauche » constitue la dernière étape de ce processus de recrutement innovant. Mais c’est peut-être la plus décisive. Il s’agit d’accompagner l’arrivée d’un nouveau collaborateur dans une équipe en concernant tous ses membres. L’entraineur de handball Claude Onesta (4) a fait de l’équipe de France la meilleure équipe du monde grâce à sa politique d’intégration des jeunes talents. L’entraineur établit sa composition d’équipe en mélangeant « les cadres du vestiaire » avec « les petits nouveaux » de façon à créer une équipe efficace dans le long-terme. En outre, son exigence envers les espoirs fait que les cadres de l’équipe ne craignent plus de perdre leur place au profit des nouveaux arrivants. Au contraire, ils les prennent sous leur aile et les protègent de la brutalité des compétitions internationales. A l’instar du staff de l’équipe de France, certaines organisations créent des mentors capables de communiquer les astuces et techniques d’un métier à leur nouveau collègue. Le tout est de favoriser la transmission des savoirs pour que les collaborateurs montent en compétence ensemble. Ces pratiques évitent l’installation d’une concurrence malsaine intergénérationnelle, elles vont plutôt créer un esprit d’entre-aide. Dans la même idée, d’autres entreprises (encore minoritaires) forment leurs membres à gérer leur stress et celui de leurs collègues pour améliorer l’ambiance générale de l’équipe. Ces sociétés réunissent, à travers ces initiatives, une partie des conditions nécessaires à l’éclosion de leurs nouveaux talents.

Il convient cependant de nuancer en disant que construire des équipes efficaces durablement est difficile. Le cloisonnement de la hiérarchie dans les entreprises et l’herméticité des réseaux dans notre économie peuvent être des freins à la création de la diversité professionnelle. Cela dit, nous devons essayer d’anticiper les évolutions RH. L’avènement du management libéré dans certaines structures comme Zappos (5), nous pousse à nous poser des questions sur la forme que prendra le recrutement dans l’entreprise de demain. Se fera t-il surtout en interne ? Les collaborateurs choisiront ils directement (et de manière démocratique*) les nouvelles recrues ? Les laboratoires de recherche managériale extérieurs à l’entreprise comme Team Jolokia, montrent aux entreprises les plus audacieuses quelles sont les méthodes, les précautions et l’environnement propices à l’innovation RH.


Sources 
1. Team Jolokia :

2. Le savoir-être : Dans notre cas, il définit le comportement adapté à un groupe et en relation avec autrui. Plus largement, c’est la capacité à produire des actions ou réactions adaptées à l’environnement humain ou écologique.
3. Site de recrutement reposant sur le CV citoyen : http://bfmbusiness.bfmtv.com/emploi/un-site-d-emploi-qui-donne-leur-chance-aux-profils-atypiques-1002018.html
4. Sur les techniques managériales de Claude Onesta : http://www.lemonde.fr/handball/article/2016/01/14/claude-onesta-la-performance-en-soi-on-s-en-fout_4847482_1616660.html
5. Zappos, les plus et les moins de « l’holacracie » managériale : http://www.frenchweb.fr/zappos-ou-letrange-management-sans-managers/194028
 


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